Actualités Assurance vie - Les clauses à options ou clauses à tiroirs : une mécanique intéressante qui a des limites
Tribune de Valérie Bentz, Responsable des études patrimoniales à l’UFF, avec la contribution de Vincent Dupin, Responsable des Techniques Patrimoniales à l'UFF, pour L'Agefi
Valérie Bentz, responsable des études patrimoniales à l’UFF, revient sur les différents avantages de la clause à options d’une assurance-vie pour le bénéficiaire de premier rang. Si cette pratique reste avantageuse à bien des égards, charge au souscripteur de la rédiger clairement et de manière suffisamment exhaustive afin d’éviter tout risque d’interprétation pouvant positionner ses proches dans une situation d’injustice.
Qu’est-ce qu’une clause bénéficiaire à options d’un contrat d’assurance vie ?
Une clause à options permet de laisser au(x) bénéficiaire(s) désigné(s) la possibilité d’accepter tout ou partie des capitaux décès du contrat d’assurance vie.
Le principe de la clause bénéficiaire à options ou clause à tiroirs est le suivant :
Le bénéficiaire de 1er rang peut, à son choix exclusif, accepter soit la totalité soit une partie du capital. En revanche, la rédaction doit être précise et les options doivent être quantifiables, l’idéal étant de les exprimer en pourcentage des capitaux décès soit : 75%, 50%, ou encore 25% du capital, par exemple. La clause prévoira que la fraction de capital non acceptée sera attribuée à d’autres personnes. Il faudra à nouveau être très précis quant à la désignation des bénéficiaires des capitaux non acceptés et, sans oublier le cas de la représentation si nécessaire.
Quels sont les avantages de cette pratique ?
La clause à options permet au bénéficiaire de premier rang, le conjoint par exemple, de choisir une option correspondant à la part des capitaux dont il aura besoin et de laisser ainsi le solde des capitaux décès aux autres bénéficiaires (les enfants par exemple). Dans ce cas, ces derniers pourront bénéficier des avantages du contrat d’assurance vie.
Un bon moyen pour le parent survivant de permettre à ses enfants de disposer des capitaux sans devoir attendre son propre décès et ainsi, de se libérer de la gestion de ces fonds.
Quels sont les contraintes voire les risques ?
Premier point : ne pas accepter le bénéfice de tout ou partie de capitaux décès a un caractère irrévocable. Il est donc indispensable pour le bénéficiaire concerné d’estimer avec précision ses besoins futurs avant de faire le choix de l’option. Cette estimation n’est pas toujours simple mais indispensable afin de ne pas regretter l’option choisie.
Autre point à considérer : l’influence voire la pression que les autres bénéficiaires éventuellement mal intentionnés pourraient exercer sur le choix du bénéficiaire de 1er rang. Il est donc souhaitable que la clause à options soit mise en place dans un contexte de bonne entente familiale, et ensuite modifiée si cette entente venait à se dégrader.
Enfin, le délai de règlement des capitaux pourra s’avérer plus long : au moment du décès de l’assuré, l’assureur interrogera le bénéficiaire de premier rang afin de connaitre son choix, et lui laissera un délai suffisant pour y réfléchir, 2 à 3 mois généralement ce qui peut allonger mécaniquement la procédure de règlement. Le mieux est de prévoir le délai dans la rédaction de la clause, ainsi que la solution prévue en cas d’absence de décision dans le délai ainsi imparti.
Existe-t-il des cas où il est préférable d’éviter la mise en œuvre d’une clause à options ? (Liste non exhaustive)
Comme évoqué précédemment, une clause à options implique plusieurs bénéficiaires. Il est donc préférable que cette clause soit mise en place dans de bonnes conditions.
Par conséquent, on déconseillera sa mise en place en présence d’une famille recomposée avec des enfants d’un premier lit de l’assuré et éventuellement des enfants de la dernière union pouvant conduire le bénéficiaire (conjoint, par exemple) à faire un choix d’option motivé par la volonté de priver les enfants nés de la première union du bénéfice des capitaux décès lorsque ces derniers figurent dans la liste des autres bénéficiaires.
On évitera aussi cette pratique en présence d’un mineur ou d’une personne sous protection juridique ; il est fort probable que le représentant légal voire le juge des tutelles décide d’exercer l’option à 100%.
Il en sera de même à l’égard d’une personne vulnérable qui pourrait être dans l’incapacité de faire un choix éclairé. Pour pallier cette éventuelle difficulté, nous conseillons de revoir régulièrement l’intérêt d’une telle clause et de revenir si besoin à une clause sans option.
On s’interdira de conseiller une clause à options en cas de tensions familiales, le choix exercé par le bénéficiaire concerné peut être motivé par des raisons bien éloignées de celles ayant conduit l’assuré (le défunt) à lui donner ce choix et ainsi d’aller à l’encontre finalement de la volonté du défunt.
Enfin, en présence d’une personne morale attributaire de l’option, le choix de l’option peut s’avérer complexe. Il pourrait exister des conflits d’intérêts. Prenons l’exemple du dirigeant représentant la personne morale qui doit faire le choix de l’option, alors qu’il est bénéficiaire en second…
Dans quel cas, est-il judicieux de l’envisager ?
Sous réserve du respect des conditions exposées précédemment, lorsque le conjoint ou l’attributaire de l’option est déjà bien doté, tant en succession qu’en bénéfice d’assurance vie, la clause à option a souvent du sens.
Les bénéficiaires en second dans un tel cas peuvent être les enfants, voire les petits enfants ce qui permettra de profiter des avantages fiscaux liés à la date d’ouverture du contrat.
Peut-on envisager une clause à option comportant un quasi-usufruit ?
Jusqu’à présent, l’usufruit pouvait faire partie des options proposées au bénéficiaire concerné.
Depuis la loi de finance 2024, les dettes de restitution exigibles qui portent sur une somme d’argent dont le défunt s’était réservé l’usufruit ne sont plus déductibles de l’actif successoral. Dans le cadre d’une clause à options qui donnerait le choix au bénéficiaire de prendre le capital en pleine propriété ou bien en usufruit seulement conduisant à une dette de restitution exigible par la suite à son décès, on peut considérer que c’est le bénéficiaire qui choisit de se réserver cet usufruit. Si on s’en réfère strictement au texte cette dette ne sera donc pas déductible de son actif successoral éliminant ainsi l’intérêt fiscal du quasi-usufruit éventuellement recherché à l’origine ; de plus, le nu-propriétaire sera alors redevable de droits de mutation sur la valeur de la dette de restitution, ce qui constituera pour lui une double peine lorsqu’il est également héritier (ce qui est très fréquent).
Et enfin, lorsque le bénéfice du capital décès du contrat a donné lieu pour le nu-propriétaire à paiement de droits de succession au titre de l’article 757 B du CGI, ces droits seront imputables* sur les droits qui lui incomberont au décès de l’usufruitier du capital, sans possibilité de restitution toutefois.
* : cette imputation ne sera pas possible lorsque le bénéfice du contrat a relevé de l’article 990 I du CGI.
Il est donc préférable d’éviter de faire prendre ce risque aux héritiers (souvent les enfants) de celui ou celle qui fait ici le choix du quasi-usufruit (généralement le conjoint survivant).
Une tribune de Valérie Bentz, Responsable des études patrimoniales à l'UFF publiée par L'Agefi, le 15 mars 2024. Cliquez ici pour lire l'article.
Valérie Bentz
Responsable du Département des Etudes Patrimoniales
Valérie Bentz débute sa carrière comme Inspecteur général chez Allianz France en charge des pôles patrimoniaux. Elle intègre la direction de la distribution d'Axa en 2008 pour y développer le métier de conseiller en gestion de patrimoine. En 2011, Valérie Bentz rejoint l'UFF en tant que Directeur d'agence en région Ile-de-France Nord. Depuis 2017, elle est Responsable du département des études patrimoniales.